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Le vrai monde de Natsuo Kirino

Publié le

Après avoir épuisé les centaines de pages de Natsuo Kirino avec OUT (chroniqué ici) puis Monstrueux, je suis passé à un format plus court de cette auteure, qui procure cependant (presque) autant de plaisir que ces deux œuvres. Direction : Le vrai monde.

le-vrai-monde-natsuo-kirinoEdition lue :
Éditeur : Points
Publié en : 2011
Édition originale en japonais : 2003
Nombre de pages : 254
Prix : 6,60€

Il est vrai qu’on peut être surpris lorsque l’on tient ce roman entre les mains : il ne fait « que » 254 pages, contre les 655 pages du best-seller Out ou les 716 pages du délicieux Monstrueux. Natsuo Kirino reste pourtant fidèle à elle-même et à ses thèmes de prédilection, à savoir le meurtre et une psychologie des personnages développée à merveille.

« Il faut s’y faire : le monde est tordu. »

Tout commence lorsque « le lombric », surnommé ainsi à cause de son apparence peu attirante, décide de violemment tuer sa mère – à coup de batte de baseball. Toshi, sa voisine, a entendu un bruit étrange lors du meurtre, sans pour autant s’inquiéter. Malgré cela, elle va se retrouver impliquée avec trois de ses amies dans la fuite du lombric. Chaque chapitre a droit à son narrateur : Toshi, la voisine, Yuzan, qui a perdu sa mère et qui est secrètement (ou presque) lesbienne, Kirarin, qui aime jouer avec les hommes mais qui est marquée par la tromperie de son ex petit-ami, Terauchi, l’élève sérieuse en apparence, et le fameux lombric, un jeune voyeur méprisant ses parents. Le lombric va être une sorte de fascination pour ces quatre amies, qui vont se sentir attirées par lui et surtout par son acte. Alors qu’il est recherché par tout le Japon et qu’on parle de lui dans tous les médias, ces jeunes filles vont devenir ses complices, chacune à sa façon.

« Tu n’aurais pas envie de revenir dans le monde réel ?
– Je ne peux pas, dit-il calmement. Maintenant, ma réalité, c’est ça. »

Mais ce qui est fort dans ce roman, et pour ça Natsuo Kirino nous dévoile encore une fois son talent (dont on ne doute plus), c’est que la pire personne n’est pas forcément le lombric – chacune des jeunes filles a sa part d’ombre qu’elle exprime plus ou moins explicitement. Ces amies semblent cependant ne pas être dans une relation amicale comme on pourrait l’entendre – on retrouve ici le même type de relation que dans le roman OUT, où quatre femmes travaillent ensemble sans forcément s’apprécier. Peut-être ces adolescentes sont-elles les mêmes femmes que l’on retrouve des années plus tard dans OUT ? Chacune a ici ses secrets, même si souvent chacune sait tout sur les trois autres et ne se gêne pas pour donner son avis, souvent méprisant et méprisable. Natsuo Kirino fait donc, comme à son habitude, preuve d’une grande violence, que ce soit lorsque le lombric parle de ses parents, lorsque les filles nous disent sans barrière ce qu’elles ont sur le cœur, ou lors du meurtre de la mère.

« Ses cheveux collaient, trempés de sang, tandis qu’elle rampait vers la cuisine. »

Il est, de plus, très intéressant de suivre l’action et la fascination de ses filles pour ce tueur, qui n’éprouve aucun remord et qui semble se croire au-dessus de tout et surtout en dehors du monde. Pourtant, Natsuo Kirino pousse encore plus loin en en profitant pour aborder et dénoncer des thèmes qui lui sont chers, que l’on peut notamment retrouver dans ses autres romans. La société japonaise en prend encore pour son grade, avec ses pervers, ses salarymen qui ne voient presque plus leur famille, le système scolaire et les écoles de bachotage dont elle compare le travail nécessaire à la mort, ou encore la place des femmes dans le monde du travail.

En conclusion, on est en présence d’un roman de Natsuo Kirino différent des plus longs qu’elle a pu écrire, mais dont l’essence est la même. Le talent de cette auteure se ressent toujours autant, et elle parvient à nous faire nous questionner sur une chose : Quel est le vrai monde ? La normalité en apparence -quatre lycéennes- ne serait-elle pas au final plus difficile à regarder que la réalité montrée par les marginaux et les criminels ?

Ma note :
8

À propos de Kevin

Living the dream in Tokyo!

Une réponse "

  1. Super critique, en tout cas ça me donne très envie de lire ce livre ! 🙂 Je suis toujours aussi bluffée par ta culture qui ressort dans les références aux autres livres de l’auteure.

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  2. Bon… Ça donne envie. Vu la hauteur de ma pile « à lire » je me le note pour plus tard.
    Merci

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